Jeudi, après plusieurs longues années, Jérémy Gabriel a gagné sa cause, en partie, dans son litige contre Mike Ward. La Cour d’appel du Québec a déclaré que l'humoriste devra verser 35 000$ en dédommagement au jeune homme suite aux blagues jugées discriminatoires qu'il a tenues à son égard entre 2010 et 2013 dans le cadre de son spectacle Mike Ward s’eXpose.
Après que l’humoriste se soit tourné vers les réseaux sociaux vendredi pour partager sa réaction concernant le verdict, affirmant du même coup qu’il aimerait mieux « faire de la prison que de payer cette amende », Jérémy Gabriel s’est à son tour exprimé sur le sujet, en entrevue avec Benoit Dutrizac sur les ondes de QUB Radio.
« C’est un soulagement, vraiment beaucoup, parce que c’est un travail de plusieurs années. Ça prend beaucoup d’énergie, beaucoup de sacrifices, vouloir se battre comme ça et essayer d’exprimer mes points de vue et ma position depuis toutes ces années-là . C’est sûr qu’il y a un gros poids qui a été retiré de mes épaules », confie-t-il d’abord.
Bien qu’il tienne toujours à écouter les gens qu’il croise et ceux qui lui écrivent, que leurs commentaires soient encourageants ou moins constructifs, Jérémy Gabriel affirme que la blague de Mike Ward a fortement chamboulé sa vie. « Ã? l’époque où la blague de Mike Ward est sortie, en 2010, j’avais 13 ans. Avoir 13 ans quand un des humoristes les plus connus au Québec fait une blague sur le fait que mon handicap, c’est juste que je suis lait, qu’il fait des blagues sur mon appareil auditif et que je ne suis pas tuable… Ã? un moment donné, je comprends; il y a bien des gens qui disent que la liberté d’expression c’est nécessaire, et j’y crois aussi à la liberté d’expression. C’est essentiel dans une société comme la nôtre. Sauf que quand c’est rendu qu’on peut se permettre de détruire la vie des gens au nom de celle-ci […]… Non, la Cour a décidé jeudi que ce n’est pas parce qu’il est humoriste qu’il est au-dessus des lois », a-t-il affirmé avant d’ajouter : « Il y a une responsabilité à avoir quand on veut jouir de la liberté d’expression. On a la responsabilité d’en faire un bon usage et de ne pas l’utiliser pour faire de l’intimidation. »
Alors que Mike Ward souhaite se rendre en Cour suprême et que leur combat n’est donc pas officiellement terminé, Jérémy Gabriel reste optimiste : « Il faut voir aussi le côté positif. Il veut amener ce dossier particulier devant la Cour suprême. Un jeune chanteur qui est handicapé qui fait rire de lui par un humoriste d’humour noir et qui est un des plus connus au Québec… Il y a un débat qui est très sain là -dedans. Et je suis content parce que celui-ci va être amené devant tous les Canadiens et le débat va être amené à un autre niveau, parce que là , il va y avoir des conséquences beaucoup plus graves et il va y avoir jurisprudence à travers le pays. »
Dutrizac l’a alors interrogé sur l’impact des propos de Ward, répétés plusieurs centaines de fois, diffusés sur les réseaux sociaux, sur scène et sur DVD. « Imaginez quand on a 13 ans et qu’on entend ça pour la première fois, et qu’on entend les gens rire. Et que les gens trouvent ça drôle que tu meures. T’as 13 ans, tu bâtis ton identité, tu commences le secondaire, en plus. Et là , tous les jeunes de ton secondaire connaissent cette blague-là […]. Je peux vous dire qu’il n’y a pas vraiment de mots pour décrire comment je me suis senti. […] Il y a encore des gens qui m’arrêtent ou qui m’écrivent pour me dire : »Bon, tu crèves-tu? » […] Ce n’est pas possible pour un être humain de vivre comme ça », a-t-il finalement lancé.
La Cour suprême n’a pas encore fait suite à la demande de Mike Ward.
Vous pouvez entendre l’entrevue complète ici.